Au vieil âge de la terre les deux Arbres de Vie, Gis-Kusu (l’arbre de l’immortalité) et Gis-Hu (l’arbre de la connaissance) contenaient tout l’horizon.
Après un déluge de graines de Gis-Hu, d’autres arbres poussèrent. Ainsi naquit la forêt et certains animaux purent sortir des mers pour s’y abriter…
Cependant, les feuilles du grand arbre Gis-Hu se mirent bientôt à voleter et tomber, elles aussi, vers la terre.
Elles apportèrent la connaissance aux grands singes. C’est ainsi que leur vint l’idée de fabriquer des outils… mais aussi des armes !
Jadis, tous savaient combien cette forêt était précieuse. Depuis toujours la forêt a capté les pensées du soleil… Les arbres, sages et forts, récoltant sa lumière par leurs feuilles, ils échangeaient entre eux par leurs racines aidées des champignons. La forêt est bonne, vaste et paisible ! Mais son bois, associé aux outils, donna aux grands singes l’idée des premières constructions…
Quand nous étions tous ensemble, nous ne savions pas que nous allions abandonner la sérénité, nous voir comme séparé et nous embrouiller. La connaissance a, elle aussi, son côté sombre… Nous ignorions qu’un jour, nous penserions la Terre inerte, nous perdrions notre immortalité et ne sentirions plus l’âme du monde.
C’est pourtant ce qui arriva au fil des jours quand les fruits des arbres ne suffirent plus aux grands singes. Ces créatures, devenues voraces, épuisaient les ressources des forêts, construisaient plus que de nécessaire avec leurs outils et colonisaient le reste de la terre avec leurs armes.
Les « créatures » raclèrent l’écorce vive de l’Arbre de la connaissance, puis y mirent le feu qui, d’un coup, s’enflamma.
Bientôt, ce fut la fournaise, les forêts du Monde brûlaient tel une torche. Les animaux fuyaient dans tous les sens.
C’est à ce moment qu’on vit, traversant les flammes, le petit colibri apparaître et verser toute l’eau qu’il avait pu mettre dans son bec. Puis il repartit vaillamment jusqu’à la rivière. Ce manège dura un temps.
Après un moment, Baco, le suricate, agacé par cette agitation dérisoire, lui dit : « Colibri ! Tu n’es pas fou ? Ce n’est pas avec ces gouttes d’eau que tu vas éteindre le feu ! »
Mais Colibri lui répondit : « Je le sais, mais, moi, je fais ma part ! »
Baco, le suricate poursuivit : « Colibri ! Sais-tu que plusieurs centaines de créatures, armées de lance-flammes, sont en train d’allumer des feux partout à travers ce qu’il reste de forêt ? Ils ont aussi empoisonné l’eau que tu tiens dans ton bec. »
Mais le colibri, qui volait vers les flammes, était déjà loin.
Soudain, un sanglier rassembla sa harde et entreprit de charger les créatures. De leurs défenses, ils perçaient les réservoirs d’essence et les jambes des pyromanes. Baco, découvrant la scène, effaré, interpela le sanglier : « Pécari, es-tu fou ? Faire la guerre n’a jamais résolu aucun problème !»
A quoi le sanglier répondit : « Réveille-toi Baco, je fais ce qui est nécessaire, moi. Je me bats pour nous tous. Vous n’êtes que des couards peureux, vous les suricates ! Alors, en plus ne nous donnez pas de leçon !!!»
Pendant ce temps, Colibri, l’oiseau-mouche, ne faisait pas « simplement » sa part, mais il la faisait de « son mieux » !
Il volait de coeur en coeur, si rapidement qu’on ne voyait même plus ses ailes… il convoquait tous les animaux, surtout les oiseaux… les seuls à pouvoir éteindre la fournaise d’un grand torrent des becs remplis d’eau !
Baco, habitué de la coopération, reçut un des premiers le message et retourna dans son pays. Quand il y arriva, il y vit un groupe de pélicans, leur parla de l’incendie et leur transmit la convocation du colibri…
Un, deux, cent pélicans comprirent l’intérêt qu’ils représentaient avec leur bec si profond et ils le suivirent.
Une épaisse fumée noire s’éleva dans les airs. Il suffisait qu’un ara ou un simple moineau se décide, pour qu’un pélican de plus les rejoigne.
Une escadrille blanche sortait d’on ne sait où, chacun s’élevait d’un monde intérieur et ne comptait pas les gouttes données. Tout envol était contagieux et certains ruisselèrent une eau qu’on ne connaissait même pas, elle émanait de leur for intérieur…
Bien sûr, certains ne décollèrent qu’à la toute fin de l’incendie, toutefois on ne vit jamais battre autant d’ailes ni tant d’eau inconnue créée. Des oiseaux admirables se brûlèrent les ailes mais tant de flots versés ensemble éteignirent l’incendie !
Ainsi le vieil âge de la Terre fut recousu.
Gis-Hu, l’arbre de la connaissance, fut recomposé grâce à la mémoire collective et certains partirent avec Baco et Colibri à la recherche de Gis-Kusu, l’arbre de l’immortalité.
C’est comme ça que la Terre-Mère se trouva réveillée par la coopération et la force de l’intention de ceux dont les becs piochaient en eux l’eau ruisselante de la vie, que le suricate devint l’icône de la coopération et que le colibri, dans sa nouvelle quête, reçu son nom de Soul-Bird… « Oiseau-Âme » !